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L’année 2016 avait plutôt bien commencé. On avait réussi à caser le 2 janvier juste entre le 1er et le 3, sans trop de difficulté. Le reste suivrait sans problème, on l’espérait.

Il n’y avait pas de raison.

Après tout, c’était tous les ans la même histoire, alors pas de quoi s’inquiéter.

Enfin, quand même, une année bissextile, c’est pas tous les ans non plus.

Alors soyons vigilants.

Au cas où.

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J’ai reçu une lettre de madame Bellepaire, de Loches (très belle ville, soit dit en passant, qui n’est rien moins que la « Capitale de la Touraine Côté Sud » comme le précise le site Internet de la mairie).

Et, donc, madame Bellepaire, de Loches, me demande, après les compliments d’usage sur la bonne tenue de ce blog que les étrangers et les croyants nous envient, me demande donc pourquoi j’ai été si peu actif  ces derniers temps. « La vogue du blog est-elle en passe de sombrer dans l’oubli le plus complet ? » s’interroge Yvette (car c’est son prénom) Bellepaire, de Loches, dans ce style journalistique que les Américains nous jalousent.

Votre angoisse est légitime, et je viens l’apaiser, chère Yvette. Comme vous ne l’ignorez point, nous approchons de la période des bonnes résolutions. Dans ce contexte, j’ai pensé qu’il n’était pas malhabile de ma part de me soumettre à une cure de négligence temporaire de façon à, dans un ultime sursaut d’énergie, jeter toutes mes forces de fin d’année dans un poignant discours de bonnes résolutions dont la principale sera, bien entendu, la publication pluri-hebdomadaire d’un billet sur la Vogue du blog.

Voilà, Yvette, j’espère vous avoir rassurée. Meilleures salutations à Loches, et à Philippe.

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Un peu dure d’oreille, Grand-mère n’en avait pas moins un cœur d’or et une générosité débordante. Elle était en outre une cuisinière accomplie et prévoyante. Aussi s’empressa-t-elle de se rendre à la cuisine dont elle ressortit presque aussitôt les bras chargés de plats, plateaux, casseroles, bols, compotiers et saladiers d’où débordaient, froids ou fumants, un saumon entier, une demi-dinde aux marrons, une côte de porc, des pommes de terre frites, une salade de mâche nantaise, une fricassée de volaille, une tarte au citron, d’énormes morceaux de fromage, une compote de coings et une mousse au chocolat.

Je lui avais pourtant bien précisé que j’avais une faim de loutre.

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Il a fait connaissance avec Éric Chevillard, samedi dernier. Le courant est passé tout de suite. Une véritable complicité. Il n’aurait aucune raison de s’en cacher. Chevillard ? Oui, ils se connaissent, bien sûr. Soudainement, la littérature emplit son emploi du temps. Samedi dernier ? Ah, non, il était avec Chevillard… Les mots, voilà ce qui compte pour lui. Il souligne le trait : les mots, c’est ce qui compte, pas les chiffres. Du coup, son dialogue avec l’écrivain envahit ses conversations. L’autre jour, Chevillard lui confiait que… C’est d’ailleurs ce qu’il a expliqué à Chevillard… Figurez-vous qu’il a eu l’occasion d’évoquer ce thème avec Chevillard… Mais il voit bien que ses proches se lassent. Tant pis. Il faut laisser reposer.

Le temps fait son œuvre ; et les agendas sont tellement chargés. Leurs activités respectives les ont éloignés dernièrement. Ils se sont croisés en octobre, rapidement, entre deux séances de signatures. Depuis, non. Non plus, mais Éric n’est pas du genre à envoyer ses propres livres comme cadeau de Noël. Il a raison, d’ailleurs.

Il faut bien l’avouer, ils se sont un peu perdus de vue. Divorce de leurs pensées ? Le mot est un peu fort, disons que chacun suit son chemin. Et puis, il a pris du recul sur beaucoup de choses. Cela ne remet pas en cause le passé, au contraire ! Cela reste une belle aventure.

Il y avait si longtemps maintenant. C’était une autre époque… Quelle effervescence, alors ! Un bouillonnement comme on n’en avait plus vu dans la blogosphère francophone. Chaque jour apportait son lot de trouvailles, de ruptures, de révolutions ! Pour lui et des types comme Chevillard, c’était un formidable terrain d’expérimentations, l’âge d’or du blog. Chevillard ? Papy avait connu Éric Chevillard ? Il lui avait parlé en vrai ? Bien sûr ! Durant une séance de dédicaces sur livres en papier, à Mexico, le 24 octobre 2015, entre 13h07 et 13h09.

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L’avant-garde, si elle espère être reconnue un jour comme telle, doit être suivie.

Bref, l’avant-garde, c’est ce qui précède les suiveurs.

Mais l’extrême avant-garde, c’est ce à côté de quoi on passe sans rien voir. C’est ce que je me dis pour me consoler de ne pas avoir été compris quand j’ai écrit mes deux derniers posts, résolument avant-gardistes pensai-je en le écrivant blanc sur blanc.

J’ai décidé de mettre un terme à cette expérience visiblement trop hardie pour cette époque tellement décevante.