152

« Ce n’est qu’un premier jet… » s’excusa l’écrivain alors que la jeune femme se rhabillait, visiblement déçue par la très brève prestation de l’homme de lettres.

149

L’enfant qui se promène en ville vêtu d’un costume d’Iron Man est d’autant moins sujet à la honte que ledit costume comprend un masque couvrant l’intégralité du visage.

Ainsi rendu invulnérable, il est susceptible de pousser le réalisme jusqu’à courir les poings en avant tout en émettant le sifflement caractéristique des réacteurs du héros poussés à Mach 25.

Pourtant, malgré tous ses efforts, l’enfant n’arrive pas à la cheville du père. Bienveillant, ce dernier le console : « Allons, mon fils, un jour, je t’achèterai un costume de chef de bureau. Ce jour-là, tu sauras ce qu’est le ridicule, le vrai, et comme il tue très lentement. »

148

Et la femme se mit en devoir de prouver qu’elle était l’égale de l’homme.

Femme cadre supérieure, femme ministre, femme présidente, femme gendarme, femme militaire, femme prêtre, femme footballeuse…

Elle ne tarda pas à se montrer l’égale de l’homme dans tous ces domaines qui illustrent de manière éclatante l’inégalable génie du genre humain.

147

Et puis un beau jour, soudainement, au milieu du spectacle, dans un accès de folie ou peut-être parce qu’il était las de faire rire en usant de sa cruelle lucidité sans espoir, le clown ôta son nez rouge.

D’abord décontenancé, puis choqué, enfin scandalisé, le public le dénonça aux Autorités.

Le clown fut condamné à mort.

 

 

146

A première vue, rien de plus éloigné d’un régime totalitaire qu’un régime de bananes.

Et pourtant, qu’est-ce qu’une république bananière sinon la triste union de ces deux régimes ?

145

Maman a inséré le CD de Duran Duran dans la mini-chaîne stéréo et a appuyé sur le bouton « play ». Bébé s’est mis à pleurer dès la première chanson.

Pourtant, bébé avait mangé, sa couche était propre, il n’était ni trop ni trop peu couvert, la température ambiante était idéale. Va-t-on douter de l’impartialité d’un bébé de deux mois ? Prétendra-t-on que papa l’a endoctriné et le manipule à des fins purement égoïstes ? Soyons sérieux. Nous tenons ici une preuve éclatante de la nocivité de Duran Duran.

La vérité sort de la bouche des enfants.

144

Les livres de la bibliothèque du salon prennent soin de parler à voix basse mais l’oreille attentive peut surprendre leurs conversations…

La Bible :  Dites, vous n’auriez pas vu Don Bosco ?

Larousse :  Le Don Bosco préfacé par Jean-Paul II ? Hérité de la bibliothèque de la tante Rose  ? Fini, dehors ! Le patron l’a jeté ce matin. Il l’a pris la main dans le sac.

La Bible : Mais que s’est-il passé ?

Larousse : Don Bosco est descendu au rayon enfants. Le patron l’a surpris entre Petit Ours Brun prend son bain et Tchoupi à la plage.

La Bible : Ah, il devait leur apprendre à ouvrir leurs pages, il aime tellement les enfants. C’est un Saint, vous savez.

Le Robert :  Tu parles ! Il essayait de frotter son imprimatur contre leur ISBN ! Le patron est arrivé à temps grâce à la biographie de Deleuze qui a donné l’alerte en se jetant du cinquième étage.

La Bible : Oh ! Ah mais moi je ne savais pas ! Je ne pouvais pas savoir, je suis loin de l’étage des publications destinées à la jeunesse. C’est simple, d’ici on ne peut pas voir. Mais soyez assurés que je condamne fermement ces agissements !

143

Combien d’injustices, chaque jour, causées par des conclusions hâtives, elles-mêmes fondées sur de bêtes préjugés, eux-mêmes socle de la paix sociale ?

Tenez, depuis quelques mois, on avait parfois la désagréable surprise de trouver une flaque d’urine dans l’ascenseur. Pour les locataires de l’immeuble, l’affaire était entendue, le responsable était le caniche récemment acquis par madame Bite (certains patronymes ne sont pas faciles à porter, c’est vrai, encore une injustice) alors que, techniquement, cette immondice pouvait très bien être le fait des dobermans de monsieur Con (lui porte très bien son nom, le destin peut être implacable ET pertinent). Bref, aucune preuve mais notre instinct social était formel : mieux vaut accuser un caniche que deux dobermans. L’odeur pestilentielle nous faisant perdre tout jugement, combien de regards outrés la pauvre madame Bite n’a-t-elle pas essuyés ? Et n’aurait-on pas fini par la condamner à essuyer plus que des regards si la situation avait perduré ?

Or, force est de constater qu’on n’a plus vu une seule trace d’urine dans l’ascenseur depuis le décès du retraité du sixième étage.