269

5

Rome enfin s’exclame Plotin
Rome
Un tantinet antique ici le taquine Calaferte
Pessoa époussète son chapeau c’est pollué se plaint-il
Rimbaud ne dit rien
Je songe
Des ruines du passé il restera demain les ruines de ruines restaurées
Qui a commencé qui a eu l’idée
De restaurer le passé
Est-ce de la création de l’action ou de la réaction
Que dira-t-on de nous ils eurent des restaurateurs

Jerry Cornelius ne viendra pas
Résonne la voix du Major Grubert qui nous parvient par télépathie
Rendez-vous à l’arcade 17 conclut-il
Mes compagnons se dirigent vers le Colisée sans moi
Trop risqué pour un mortel
Le Major est imprévisible

Je les vois s’éloigner dans le soleil couchant quatre silhouettes
Plotin Pessoa Calaferte et Rimbaud
C’est quelque chose quand même
Ils disparaissent
Arcade 17 du Colisée

Aucune nouvelle de Jerry Cornelius

248

Tu vois bien tout est vain
Rien ne dure adieu semblent dire
Les pages
Du livre
De poche
Qui à peine jaunies se détachent
Et tombent
Adieu
Tout est vain
Et la volonté délirante de durer
Est vaine et vanité

Le cadavre du livre dans mes mains
Un coup de poing dans mon ventre
Un dais d’Inexorable du silence
On meurt

On meurt on meurt sans trop en avoir l’air
Et un jour on est mort

Ramasse une à une les pages
Du papier pas cher
De l’encre à bon marché
De la colle desséchée
C’est tout
De la matière de la poussière d’étoiles un effet du Big Bang
Bon
Debout enfin allons
Combien de lumière aux minutes sombres
De bouffées d’air aux heures suffocantes
Combien d’abris dans la tourmente
Combien de répits dans l’angoisse
Ce livre
Rien n’est vain que la vanité
La servitude et l’habitude

Se lever sous le regard de personne et savoir
Savoir vraiment
Que rien ne dure

Et tout ce qui se lève un jour
Tombe

242

4

Nous arrivons en gare du Nord
Le climat est clément plus qu’à Moscou
Nous nous installons dans un hangar et méditons sur la mort
Pour tuer le temps
Mais le temps ne meurt pas
C’est pour cela que la mort dure si longtemps

Je me demande quand meurt-on
Est-ce à la fin de la vie ou bien quand la mémoire des autres s’éteint
Ou nous trahit
Je porte bien des morts dans ma mémoire
Qui donc les portera quand je serai parti

J’interpelle mes compagnons
Savez-vous combien mais combien de mémoires vous portent sans vous avoir jamais vus vivants
Pessoa soupire
Rimbaud arbore un sourire abyssin
Calaferte qui nous a rejoint
Dit peu importe on s’en fout c’est pas nous c’est du rêve

Plotin sort du silence et triomphant nous informe
Jerry Cornelius est à Rome