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« Tout n’est que spéculation » (Djokovic)

(5/12)

Mon avocat venait de m’annoncer que Bérénice aux mains vermeilles s’était évadée de la prison de Varces. Mon agenda s’en trouvait bouleversé. Je réajustai mes bas et couru vers la gare la plus proche : il me fallait à tout prix empêcher cette folie. Il se trouve que la gare la plus proche était celle de Montparnasse. Moche, elle exerçait sur moi une fascination réelle. J’y avais vécu des heures d’ennui durant mon enfance mais j’y avais aussi eu, plus tard, la révélation de ma vie en découvrant, abandonné sur un banc, un livre de Mallarmé sobrement intitulé « Poésies ».

J’étais vierge mais belle, et vivace mon désir. Après avoir lu le recueil d’une traite, comme en transe, je cédai aux avances d’un mystérieux voyageur qui m’avait observée tout ce temps et dont le charme viril me fit aussitôt chavirer. Nous fîmes violemment l’amour, non loin, devant la tombe de Charles Baudelaire.

Qui serais-je devenue si l’amour, le sexe et la poésie n’avaient, le même jour, illuminé de leurs mystères mon être ? Possiblement, j’aurais cédé aux sirènes de la sécurité matérielle et serai devenue employée de bureau à la CAF. Ou bien, mon DUT en poche, j’aurais enchaîné sur un Master en Administration de la ville avant de fonder ma propre start-up en gestion des déchets. Mais qui sait ? Tout n’est que spéculation.