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Je n’ose plus toucher certains de mes livres depuis que j’ai surpris leur conversation l’autre nuit…

La Bible : Enfin, il m’a ouverte ! Cela faisait quatre ans que j’attendais ça… Il m’a lue toute la Genèse, toute ! Le Ciel, la Terre, Adam et Ève, Noé, Abraham, Isaac, Jacob… Pas mal, non ?

Le Robert : Pavane pas, ma vieille, s’il t’a remise à ta place c’est que tu l’as fatigué, peut-être même écœuré.

Larousse : Mais non, ne l’écoute pas ma chérie, il est jaloux, c’est tout ! Il est sur le déclin, le pauvre. Ça fait longtemps que tu n’es plus consulté, hein, mon petit Robert ? Il y a tout sur Internet maintenant, pas vrai ?

Le Robert : Oh, toi, Larousse, si tu n’avais pas tes pages roses, tu ne prendrais pas souvent l’air.

Larousse : Hé oui mon grand, c’est ça le sex appeal. Dis donc, la Bible, c’est ça que tu devrais faire pour que le patron te reprenne : un petit numéro de charme. Ce soir, quand il passe devant toi, tu te laisses tomber et quand il se baisse pour te ramasser, hop, tu t’ouvres à la page la plus chaude du Cantique des cantiques.

Le Robert : Mmmh, le Cantique des cantiques… Tu me donnes des idées, belle semeuse, rapproche-toi que je hume ta rousse chevelure de lionne sauvage, allez, viens, qu’on s’aime à tout vent…

Larousse : Moins fort, Robert, tu vas réveiller le Littré.

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On me demande pourquoi il y a si peu de gauchers sur Terre. Sélection naturelle, tout simplement.

On sait que la coutume de se saluer en se serrant la main remonte à une période très lointaine, le paléolithique supérieur, et que cette forme de salut n’était alors pas du tout symbolique mais bel et bien pratique. En effet, c’était la meilleure façon de montrer qu’on venait désarmé tout en vérifiant que son vis-à-vis ne dissimulait pas lui-même une pierre dans sa main (il y a 30 000 ans, l’homo sapiens se battait avant tout à coups de pierre ou de silex).

Le fait est qu’on se serrait la main gauche (probablement parce que c’est le côté du cœur). Du coup, les droitiers avaient un avantage considérable : présenter la main gauche ne les empêchait pas de dissimuler un silex dans la main droite et, au moment de serrer fortement la main gauche de son adversaire, le droitier pouvait, d’un vif crochet du droit, planter son silex dans la tempe ou la gorge du pauvre gaucher pris au dépourvu. On estime qu’environ mille ans furent suffisants pour éradiquer la majorité des gauchers de la planète. Une bien triste leçon d’humanité quand on y pense.

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Très sérieux, mon voisin m’explique que les enfants ont avant tout besoin d’être encadrés. D’ailleurs, il a inscrit les siens aux Scouts de France et compte bien les envoyer à l’armée dès qu’ils auront passé le brevet des collèges. Si tout le monde faisait comme lui, on n’en serait pas là (je comprends que « là » signifie le chômage, les impôts, l’homosexualité, ses soucis de prostate et la mauvaise haleine de sa femme). « Vous comprenez, la seule chose qu’a besoin un gamin, c’est un CADRE. » Et, usant de ses mains comme de couperets de boucherie, il trace dans l’air un rectangle pour que je comprenne bien ce qu’est un CADRE (il sait bien que je n’ai pas fait mon service militaire).

C’est alors que je comprends pourquoi mes enfants auraient du mal à tenir dans un CADRE : ils sont en trois dimensions.

 

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« Tout corps plongé dans un fluide au repos subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé. » Le principe d’Archimède est très intéressant et a été mainte fois vérifié. On garde notamment en mémoire le spectaculaire dispositif expérimental du capitaine Edward J. Smith.

Moins connu et pourtant tout aussi universel est le principe formulé à corps et à cris par l’enfant de moins de trois ans à l’heure du bain : « Dans des conditions atmosphériques stables, le temps nécessaire pour mettre l’enfant dans son bain est exactement égal à celui qu’il faudra pour l’en faire sortir. »

Ça tourne autour de trente minutes.

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On fait grand cas des miracles de Jésus Christ mais un minimum de sens historique permet de replacer les événements dans une perspective somme toute rationnelle. C’est en effet avant tout une question d’époque, il faut se mettre dans le contexte.

Imaginez, un meeting de plus de trois mille personnes en plein désert, une chaleur suffocante, des disciples pleins de bonne volonté mais mal organisés, pas de sono, pas d’intendance. Et la foule qui commence à gronder : elle a faim.

N’oublions pas que Jésus n’avait pas de smartphone. Il lui était donc techniquement impossible de commander des pizzas. Il n’avait pas le choix : il ne lui restait plus qu’à multiplier les pains et les poissons qu’il avait sous la main.