« Ne pas s’arrêter à ça. » (Genesio)
(11/12)
Je fis fi des ordres du contremaître et, après avoir installé à la va-vite un va-et-vient dans l’escalier principal, descendis à la salle des machines. Là, une surprise de taille m’attendait : un salafiste en habit de gala s’exerçait, avec brio, à reproduire le fameux moonwalk de Michael Jackson. Ma présence ne sembla pas l’importuner. Je crus d’abord qu’il feignait de m’ignorer pour provoquer mon ire mais, en réalité, il était sourd et aveugle ; je ne l’appris que bien plus tard, de la bouche de sa mère, la délicieuse Amina aux longs pieds. Mais c’est une autre histoire.
Je parvins jusqu’au réacteur central en me faufilant au milieu d’une jungle de câbles électriques. Je n’eus aucun mal à identifier la cause de la panne : une colonie de fourmis rouges grignotait méthodiquement les gaines thermiques des mélangeurs : l’inversion de potentiel avait provoqué un court-circuit, brûlant le condensateur et endommageant le Delco. Je rafistolai le tout à l’aide d’un convecteur et de quelques joints de téflon, comme je l’avais appris de Big Bill, le fils adoptif de Jocelyne aux doux cils, laquelle tenait un bordel à Istanbul à l’époque où, jeune moussaillon rescapé du naufrage du Wandering Chief dans les eaux troubles du Bosphore, j’apprenais la vie la nuit dans les bars mal famés du quartier juif de la ville où de vieux loups de mer trinquaient avec des trafiquants d’opium et des comptables assermentés. Arabes, Chinois, Américains et Russes ; Anglais, Indien et Congolais ; tous étaient de passage en ce carrefour des mondes pour gagner leur vie et surtout pour la dépenser. Puis je me suis orienté vers des études de droit pénal.
Quand je revins à la salle des machines, le salafiste avait disparu. J’appris plus tard qu’il avait trouvé la mort dans un tragique accident de camion.