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Comme tous les êtres humains et selon l’implacable loi de la loterie génétique, Monsieur Albert était né avec ce qu’il est convenu d’appeler des forces et des faiblesses. C’est-à-dire que, dès sa plus tendre enfance, il avait fait preuve d’aptitudes supérieures à la moyenne pour certaines activités et s’était montré au contraire moins doué que la moyenne pour certaines autres activités.

Encouragé par ses parents et avec le soutien sans faille des institutions sociales prévues à cet effet, il consacra une grande part de son enfance et de sa jeunesse à travailler pour corriger ses faiblesses. Au prix d’efforts nombreux et sans saveur il parvint à se hisser plus haut que ce que promettaient ses dispositions naturelles dans des domaines qui, soit dit en passant, n’éveillaient en lui que l’ennui ou la répulsion. Pendant ce temps, il négligeait quelque peu ses forces qui finirent par s’affaisser.

Et c’est ainsi que Monsieur Albert adulte s’avéra être un individu social parfait, ayant atteint le niveau exact de la médiocrité dans tous les domaines de l’activité humaine.