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Ce jour-là, Julie arriva au bureau vêtue d’une charmante robe moulante qui mettait en valeur ses formes tout en soulignant l’élégance naturelle de sa démarche.
Commentaire de Stéphanie : « Et son mec la laisse sortir comme ça ! »

Le même jour, Jean-Claude arborait une cravate rouge à pois blancs sur une chemisette moutarde. Sa veste de costume n’était pas assortie au pantalon et il était chaussé d’horribles mocassins marron, à glands.
Commentaire de Stéphanie : « Et sa femme le laisse sortir comme ça ! »

Donc réjouissons-nous, le sexisme n’est pas réservé à l’élite masculine. Les femmes aussi y ont accès.

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Monsieur Albert s’est distingué très tôt par sa farouche opposition aux extrémismes. Ce fut le combat d’une vie.

La plus rude épreuve qu’il dût surmonter sur cette route semée d’embûches fut, dès l’âge de vingt ans (c’est-à-dire à l’époque où ses camarades lançaient des pavés à la tête des CRS), de résister à la tentation de sombrer dans l’un ou l’autre des termes de la fameuse injonction : « plutôt mourir debout que vivre à genoux ». Il ne se laissa pas impressionner et décida résolument de vivre assis. Sa détermination lui permit de se faire embaucher comme aide-comptable dans la succursale d’une multinationale spécialisée dans l’import-export de chaises de bureau. Pendant près de cinquante ans, il continua la lutte, fidèle au poste, déterminé à ne rien lâcher. La noblesse de son combat forçait le respect.

Aujourd’hui, c’est un homme épanoui – mais toujours sur le qui-vive – qui nous confie : « Pas question de me reposer sur mes lauriers. Mon prochain défi, c’est d’être muté au siège. »

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De dos, et avec si peu de recul, la ressemblance était troublante. Même coiffure, même parfum du même shampooing flottant autour de la chevelure brune, même boucles d’oreilles dorées, même jolie veste cintrée à fines rayures bleues, même petite jupe, très courte, et chaussures à talon identiques. Il s’étonna de trouver son épouse dans le métro à cette heure de la journée, mais la vie n’est-elle pas faite de surprises ? Et se retrouver dans le même wagon, pressés par la foule, n’était-ce pas un signe du destin qui célébrait ainsi leur délicieuse complicité ?

La réponse est oui, la vie est bourrée de surprises.

Il s’excusa auprès de l’inconnue et remis son sexe dans mon pantalon.

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Je m’étonnais ce matin de la finesse de mes sentiments et de l’acuité de ma pensée.  « Tout de même, me disais-je en mon for intérieur, sans me vanter, quelle subtilité, quelle élégance et quelle efficacité ne sont-elles pas réunies en un seul être. Je m’en félicite, tiens! »

Hélas, la voix de ma conscience (qui loge, elle aussi, dans mon for intérieur) ne put s’empêcher de répondre à ces considérations qui n’appelaient pourtant rien d’autre qu’un acquiescement poli.  « Certes, chuchota-t-elle, quel admirable toi… Mais n’est-ce pas la sagesse de la Nature qui est à créditer de cette réussite ? Car c’est bien son instinct naturel qui a poussé tel Cro-Magnon à tabasser son voisin à coups de silex avant de sauter sexuellement sur telle Cro-Magnonne sans consentement préalable. N’était l’absence de subtilité de cet ancêtre, jamais tu n’aurais vu le jour. »

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Le physicien spécialisé en mécanique quantique peut très probablement vous expliquer en détail comment vous réussissez à atteindre la cible quand vous tirez à l’arc. Gravité, champ électromagnétique, constante de Planck, principe d’indétermination, quark, boson, etc.,  vous serez étonné de l’étendue de votre ignorance. Et, si vous attachez quelque importance à la connaissance, vous ne pourrez qu’admirer cet homme.

Maintenant, donnez-lui un arc et une flèche.