La rivière était profonde à cet endroit, et surtout large : la rive la plus proche se trouvait à vingt mètres. Mais cela ne constituait pas un obstacle insurmontable pour l’excellent nageur qu’il avait toujours été. Non, le pire, c’était le courant. Un courant violent qui jouait dangereusement avec sa force, décuplée par les pluies torrentielles des jours précédents, créant des remous et des tourbillons aussi implacables qu’imprévisibles.
Il lutta longtemps, plusieurs heures, se laissant parfois partir à la dérive sur quelques mètres lorsqu’il sentait ses forces sur le point de l’abandonner. Mais, chaque fois, il se reprenait et repartait de plus belle à l’assaut de cette masse d’eau mouvante qui le séparait de la terre ferme. Jusqu’à ce que, à la faveur du courant engendré par un rocher providentiel, et mettant toute son énergie dans un ultime effort, il s’arracha de l’élément liquide en un bond prodigieux, et retomba sur la rive, à bout de forces.
Jamais on n’avait vu un poisson aussi con.