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Monsieur Albert fut soulagé d’apprendre que les éditeurs ne lisent en général que les deux ou trois premières pages des manuscrits qui leur sont adressés par la poste. Voilà qui expliquait les refus répétés qu’il recevait depuis plus de vingt ans. C’est bien entendu ce paramètre déterminant qui l’incita à introduire une nouveauté de taille dès les premières lignes du soixantième tome des enquêtes du commissaire Albert.

C’était une matinée d’automne comme il y en a tant dans le département du Pas-de-Calais. Le soleil brillait mais les rayons qui en émanaient était stoppés nets dans leur course folle par des nuages de la couleur des cendres, ce gris qui est aussi celui de la blouse des écoliers des années cinquante. « Vraiment, songea le commissaire Albert, c’est un matin d’automne tout ce qu’il y a de plus banal ». Car il ne savait pas qu’un coup de théâtre retentissant et jamais vu dans la littérature française l’attendait aux alentours de la page 1067. Il alluma une cigarette et se prépara un café noir très serré.