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L’hiver fut particulièrement rude. Déjà affaiblis par la canicule quelques mois plus tôt, les bouffe-curés subirent de plein fouet l’inclémence du climat du mois de décembre. Cela faisait des années que les associations de protection de l’environnement attiraient l’attention des autorités sur la menace que faisait peser sur cette espèce la pénurie de curés en France. Sous-alimentés, les bouffe-curés étaient particulièrement vulnérables aux rigueurs du climat.

Face à l’indifférence des pouvoirs publics, Robert Marx, président de l’Association française de sauvegarde des bouffe-curés lança un vibrant appel, en ouverture du JT de 20 heures du 31 décembre. « Alors que nous nous apprêtons à réveillonner, les derniers bouffe-curés de France sont en train de disparaître, sous nos yeux. À moins de deux heures de train de Paris, il y a des bouffe-curés qui meurent de faim… Monsieur le Président de la République, Madame la Première ministre, Aidez-nous ! »

À trois mois des élections législatives, l’appel fut entendu et  le gouvernement investit rapidement plusieurs millions d’euros dans la construction d’abris pour les bouffe-curés et lança, sous le patronage de la Première Dame, une campagne nationale de collecte de dons : « Un sourire pour un Bouffe-curé ». De nombreuses initiatives citoyennes se joignirent à l’effort du gouvernement. Ainsi, la Chorale de Enfants du Parti Communiste Français entama une tournée d’un mois pour réunir des fonds supplémentaires, tournée qui culmina avec un concert à l’église Saint-Germain l’Auxerrois en présence du Dalaï Lama. Les dons affluèrent de toutes parts. Le 16 février, jour de l’inauguration de la première CAB (Cabane à Bouffe-curés), fut déclaré « Journée nationale du bouffe-curé ». De nombreuses autres CAB entrèrent en service dans les semaines qui suivirent. Ces abris, comprenant un dortoir, des sanitaires et un réfectoire, offraient aux bouffe-curés, deux fois par jour, des repas constitués de cierges et d’eau bénite importés du Vatican grâce aux fonds récoltés par les nombreuses initiatives publiques et privées.

Les experts s’accordaient cependant pour dire que, faute d’une réflexion raisonnée et d’une action concertée prenant en compte l’ensemble de l’écosystème des bouffe-curés, ces efforts ponctuels ne suffiraient pas à garantir la survie de l’espèce à long terme.