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J’ai une mère communiste et un père écologiste. Autant dire que j’ai une mère rouge et un père vert.

Ma mère s’est présentée aux élections municipales, et elle a gagné. L’opposition la taxe de sectarisme, ce qui est idiot car tout le monde sait que la maire rouge est ouverte.

Mon père aussi s’est présenté aux élections mais sur la liste adverse, celle de Mamère. La liste de Mamère où se trouvait mon père a perdu puisque c’est celle de ma mère qui a gagné. Mon père en est vert, évidemment. Du coup, j’ai un père vert vert et une mère maire rouge.

Tout cela m’affecte un peu, je dois dire. Ce matin, j’ai grillé un feu vert. L’agent n’avait jamais vu une chose pareille. Je me suis excusé. « Je ne sais pas ce qui s’est passé, j’ai vu rouge soudainement. » Il m’a tancé vertement, devant tout le monde ; j’étais rouge de honte. Mais c’était juste un avertissement verbal, c’est-à-dire qu’il ne m’a pas verbalisé. Il a tout de même marmonné : « vous avez de la chance que votre mère soit aussi ma maire. »

Bon, je vous laisse, j’ai rendez-vous chez mon psy. Il m’aide beaucoup. Je lui ai expliqué la situation et il m’a rassuré : selon lui, c’est mon Œdipe qui est daltonien.

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Quand on tient un blog, il est plus facile d’arriver au centième post (ou au centième billet ; un débat pourrait être ouvert sur la terminologie à adopter, cela aurait le mérite de distraire l’attention du public et de lui faire oublier la douloureuse question de fond qui nous occupe en ce jour) que d’arriver au centième lecteur.

Qu’on songe tout de même qu’écrire un blog n’est pas une occupation anodine. Il faut avoir du temps libre, c’est-à-dire peu d’amis et une famille indifférente, pour s’adonner à ce genre d’activité.

Ou alors, n’avoir aucun temps libre mais en conquérir héroïquement sur le temps et le lieu de travail. Dans ce cas, une statue serait la bienvenue. Minimum, une médaille. À la rigueur, une clope et un tequila. Je dis ça, je dis rien.

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Je ne saurais trop vous conseiller de visiter le Musée du Jeu de Pommes où est exposée actuellement une rétrospective consacrée au peintre bulgare Blöd Job (1955-2011). Artiste incompris dans son pays d’origine, il devient un mythe vivant dans les années 80 après son passage à l’Ouest, notamment grâce à sa série de tableaux en terre cuite jetés dans la Cour Carrée du Louvre depuis un U.L.M. (technique du tile dropping). Ses positions extrêmes lui valent cependant de solides inimitiés dans le milieu culturel. Au début des années 90, les échecs successifs de ses expositions à  Milan, Londres puis New-York le poussent à se retirer dans un petit village d’Anatolie, loin de l’effervescence artistique internationale. Cette période de mutisme de près de dix ans contribuera à forger son image d’artiste sans concession. Il ne cesse pourtant pas de travailler et son retour sur le devant de la scène au début des années 2000 avec une production basée sur une démarche complètement renouvelée est accueilli avec enthousiasme par les jeunes générations qui l’acclament et font de lui le chef de file incontesté de la Nouvelle Peinture. Il meurt prématurément d’une cirrhose en 2011, au sommet de sa gloire, laissant une œuvre estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars.

Ci-dessous, un de ses derniers tableaux, issu de la série Mutations.

Mutation du bipède en bipad

 

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Quand l’humour se fait lucide, au point d’éclairer la source la plus profonde du rire, qui est la peur, on dit qu’il est noir.

Pourtant, ce n’est pas tant l’humour qui est noir, c’est surtout la pièce où il nous pousse qui est sombre ;  lui nous éclaire.

(Et puis, est-il correct de dire humour noir ? Ne devrait-on pas plutôt dire humour black ou humour de couleur ou humour issu de la diversité ? Ah ! Encore la peur…)