Le débutant s’empresse de balayer le plancher aussitôt terminé le déjeuner pour faire disparaître les mille et une miettes de pain, poulet et petits pois, semées là par les enfants. Louable débauche d’énergie partant d’une non moins louable intention fondée sur des principes élémentaires d’hygiène ou simplement sur la crainte raisonnable des commentaires contondants d’une belle-mère invitée à dîner ce soir-là. Mais l’homme d’expérience qui goûte l’approche scientifique des choses de la vie sait qu’il est tout aussi efficace de simplement attendre.
Il peut en effet compter sur la forte probabilité qu’à un moment ou l’autre de l’après-midi les enfants se mettent à courir autour de la table. Cette probabilité est d’autant plus élevée que le contexte environnemental est favorable, les conditions idéales étant la conjonction « absence de jardin+pluie ».
Les enfants vont donc courir autour de la table de leur foulée rapide et saccadée durant dix à trente minutes. C’est la durée nécessaire et suffisante pour que la force centrifuge générée par cette poursuite infernale projette les miettes aux quatre coins de la pièce, les faisant ainsi disparaître de la vue de n’importe quelle belle-mère normalement constituée.