Les Témoins de Jéhovah m’ont fait parvenir une brochure didactique expliquant sous forme de bande dessinée ce qu’il adviendra de moi après ma mort. Donc, voici. Une fois mon corps enterré, mon âme s’en détachera et rejoindra le ciel. Pour les néophytes, je précise que l’âme ressemble énormément à un corps humain mais transparent et impalpable. Elle est néanmoins dotée de facultés sensorielles lui permettant au moins de voir et d’entendre ; elle est également douée de conscience.
Bref, je reprends : mon âme rejoindra le ciel. Là, elle sera accueillie par un ange qui la conduira dans une sorte de cinéma céleste. Placé face à un écran géant je devrai (je me permets de dire « je » car, après tout, mon âme c’est moi), je devrai visionner l’intégralité de ma vie, c’est-à-dire une succession de milliards de milliards d’actions, bonnes et mauvaises, se succédant sur une période de plus de trente-huit ans, et très probablement, j’ose l’espérer, sur une période beaucoup plus longue, proche de quatre-vingt-dix ans. À la fin de cette très, très longue projection, je ne pourrai que sangloter abondamment, écrasé sous le poids de la mauvaise conscience. Il est à noter que si je change mon mode de vie dès aujourd’hui, en obéissant à certains préceptes judicieusement choisis, je serai très certainement en mesure d’affronter l’épreuve du cinéma céleste sans trop de dommages.
Je dois dire que si les Témoins de Jéhovah ne m’ont pas complétement convaincu de rejoindre leurs rangs, leur objectif est tout de même partiellement atteint car ils m’ont détourné une bonne fois pour toutes du Bouddhisme. En effet, je m’imagine mal regarder un film dont le personnage principal, fût-il moi, demeure assis à méditer en silence durant plus quarante ans.